Êtes vous sûrs que c’est une bonne démarche de communication de donner des nouvelles des actions de votre structure principalement sur Facebook ? Pouvez-vous vraiment vous en contenter parce que « c’est pratique » et « tout le monde est sur Facebook » ?
Cet article s’adresse avant tout à des structures, et en particulier à des structures associatives, de l’économie sociale et solidaire, de l’éducation populaire, de la Transition… qui utilisent Facebook comme outil PRINCIPAL de communication.
Il ne s’agit PAS de leur expliquer qu’il ne faudrait pas qu’elles utilisent du tout Facebook. Il s’agit de leur expliquer :
- pourquoi c’est maladroit de n’utiliser QUE (ou essentiellement) Facebook pour publier les informations sur leur structure
- pourquoi ça pourrait être intéressant de réfléchir sur les problèmes éthiques que ça pourrait leur poser.
(Les individus, même appartenant à des structures, ils font bien comme ils veulent. Ou comme ils peuvent. Ou comme ils y sont obligés par leur famille et ou leurs amis s’ils veulent avoir des nouvelles)
Je vais vous la faire courte avant de rentrer dans le détail :
- Arrêtez de vous faire des films : « tout le monde » N’EST PAS « sur Facebook »
- C’est pas parce qu’on est sur Facebook qu’on voit les publications de votre page
(dans un second article, à venir, je vous donnerais des éléments pour vous demander si les valeurs de votre structure, et la nature de votre projet, sont compatibles avec le fait d’obliger les gens à aller chercher vos infos sur Facebook)
« Tout le monde est sur Facebook » (il paraît)
Déjà quand on prend la peine d’y penser, c’est bizarre de dire « SUR » Facebook… qui est un club privé, dans lequel on n’entre qu’après s’être inscrit et identifié.
« On est SUR Facebook » ça sonne mieux que « on est CHEZ Facebook » ou « on est DANS Facebook« …
Mais bon… Tout le monde est SUR Facebook donc.
Ouaip’…
MAIS NON.
- Tout le monde n’est pas « sur Facebook »
- Y a même des gens qui refusent absolument d’y mettre les pieds (et leurs données personnelles). Et si ces gens là constituent une bonne partie de votre public, de vos adhérents, de vos bénévoles, de vos partenaires… vous avez un problème.
Et suite au scandale Facebbok/Cambridge Analytica, ça pourrait bien empirer :
« Ni adversaires de la technologie ni réfractaires au changement, ils ont pourtant décidé de ne pas s’inscrire sur Facebook »: Je ne suis pas sur Facebook, et tout va bien! (L’Express, juillet 2017)
Quant aux jeunes… ce n’est pas sur Facebook qu’il faut espérer les tenir au courant (Pourquoi les ados français désertent-ils autant Facebook?)
Pas facile de voir quelque chose sur Facebook quand on n’a pas de compte Facebook…
Vous envoyez des infos par mail… avec un lien « Plus d’informations sur notre page Facebook » ou « Détails de l’événement sur Facebook » ? Et vous pensez que ça fera l’affaire. Même pour des gens qui n’y ont pas de compte, et qui ne refuseraient absolument pas de cliquer sur un lien qui les enverrait sur Facebook ? (pourquoi refuseraient-ils donc ? Comment Facebook piste les internautes qui ne sont pas sur le réseau social)
Admettons…
Quand on « n’est PAS sur Facebook », on n’y rentre pas comme ça. Même avec un peu de bonne volonté (ou à contre-cœur…) on n’y voit pas forcément ce qu’il y a à voir.
Si vous voulez vraiment que votre information se diffuse, pourquoi voudriez-vous en limiter l’accès en l’enfermant dans un sous-espace clos d’Internet, quand vous pourriez publier dans l’Internet ouvert et accessible à tous ?
C’est pas bien grave, « presque tout le monde est sur Facebook »
NON. Mais admettons que ce soit le cas. On y trouve ceux qui « aiment » votre page, et les autres. Et vos publications ont une certaine portée.
La portée (reach) Facebook, c’est le nombre unique de personnes qui ont vu une de vos publications.
Ce que vous imaginez faire en postant sur votre page Facebook :
Ce que vous faites vraiment en postant sur votre page Facebook :
(et encore… la métaphore est incorrecte: si Internet est l’océan, alors Facebook est un lac privé. Ou un marécage, selon certains points de vue…)
Il y a trois sortes de Portées sur Facebook :
- La portée organique concerne ceux qui ont vu votre contenu sur leur fil d’actualité et votre Page Facebook, sans que ça vous ait rien coûté.
- La portée virale concerne ceux qui ont vu votre contenu ou votre Page Facebook mentionné-e dans une action créée par un « ami », par exemple lorsqu’un ami aime, commente, partage, mentionne, écrit un statut…
- La portée payante concerne ceux qui ont vu votre contenu parce que vous avez payé pour qu’il soit plus visible.
C’est loin d’être simple, mais retenez ceci : il y a bien moins de gens que vous le pensez qui voient vos publications. La moyenne correspondrait à environ 10% du nombre de gens qui « aiment » votre page.
Et oui : c’est un peu plus compliqué que « on va mettre ça sur Facebook, y a plein de monde qui pourra le voir !«
Et puis c’est pas comme si Facebook ne supprimait pas d’un coup ce qui intéresse ses utilisateurs
- des pages « dépubliées » sans explications qui soudainement ne sont plus publiques
- des pages qui disparaissent purement et simplement
- des fonctions sur lesquelles on comptait qui sont supprimées du jour au lendemain, comme les Listes d’intérêts qui permettaient de classer les pages suivies…
Facebook change régulièrement les règles du jeu, sinon ça serait pas drôle.
La dernière fois, c’était fin 2017, et ça n’était pas du tout une bonne nouvelle pour les pages (Une influenceuse avec 4,7 millions de fans sur Facebook explique que son ‘reach’ est ‘décimé’). D’un autre côté, Facebook a dit que c’était pour privilégier « l’actu locale« … alors peut-être que c’est mieux pour ceux qui s’adressent à un public proche, ou pas… ou jusqu’à ce Facebook change d’avis.
Côté interactions avec les autres usagers, c’est guère mieux (De Brut à BFM, la chute de l’engagement Facebook n’épargne aucun média)
C’est quoi vos objectifs déjà ?
Je ne parle plus de vos objectifs de communication. Je parle de la raison d’être de votre structure, de votre objet associatif… Je développerai dans une deuxième partie les questions éthiques auxquelles devraient, selon moi, être sensibles les structures de l’économie sociale et solidaire quant à leur utilisation des réseaux sociaux. Mais je vous présente quand même de suite cette vidéo de la CNIL…
Que faire alors ?
Si vous n’avez pas la patience d’attendre ma seconde partie, vous pouvez lire cet article de Richard Stallman, président de la Free Software Foundation (gnu.org, fsf.org) : Si vous estimez que votre organisation a besoin d’être « présente » sur Facebook, dans Le Virus Informatique n°30 – 28/11/2016. C’est du Stallman alors c’est sûr : c’est assez radical
Voir aussi :
- OpenAgenda pour diffuser de l’information événementielle au sein d’un réseau d’acteurs (Wiki Movilab)
- Communecter : une base de données des acteurs et des activités de nos territoires : pourquoi et pour qui ? (Open Atlas)
Et tant qu’à faire, si vous êtes présents sur Facebook, utilisez le pour ce qu’il est : un réseau, social, où l’on interagit activement avec les gens. Et pas comme un panneau d’affichage sur lequel on colle son prospectus, en espérant qu’il sera vu par ceux qui passent par là.
Ouais ouais, mais nous autres là, à Zoomacom, on y est bien sur Facebook non ?
Ouais. On y est. Pour l’instant. Pas qu’on en soit vraiment fiers mais bon. On y a un peu réfléchit ET :
- On RELAIE (copie) sur Facebook NOS informations qui sont publiées AILLEURS, dans un web ouvert (à commencer par notre site internet).
- Les infos DES AUTRES qu’on relaie dans Facebook
apparaissent aussi sur la page d’accueil de notre site internet (section « notre veille partagée« ) et sont consultables sans avoir besoin de se rendre sur Facebook(sauf s’il s’agit d’une info qui n’existe que sur Facebook…) EDIT: Et bien non! ça ne marche plus! La raison? Depuis la publication de cet article, Facebook a changé les règles du jeu histoire d’encourager les administrateurs de pages et de sites internet à utiliser ses solutions professionnelles (comprendre: payantes).
Dit autrement : on n’oblige personne à aller sur Facebook pour accéder à nos informations.
- Vous pouvez passez régulièrement voir notre page d’accueil
- vous abonnez au flux RSS de nos publlications : https://www.zoomacom.org/feed/
- nous suivre sur le fediverse, sur le réseau Mastodon via l’instance de Framasoft: framapiaf.org/@zoomacom
- nous suivre sur Communecter : www.communecter.org/#zoomacom
« Pourquoi les comptes privés des administrateurs de la page Facebook d’Extinction Rebellion ont été suspendus ? »
11 février 2020 à 07:16
https://www.liberation.fr/checknews/2020/02/11/pourquoi-les-comptes-prives-des-administrateurs-de-la-page-facebook-d-extinction-rebellion-ont-ete-s_1777871
Il reste encore beaucoup à faire pour (re) donner de la visibilité, sur Internet, aux questions et actions (projets, initiatives…) locales et citoyennes.
Outre que l’utilisation massive de Facebook comme outil principal de communication de nombreuses structures associatives et collectives, contrairement à ce qu’elles semblent penser, a abouti non pas à une meilleure circulation d’informations locales mais à l’enfermement de ces informations dans un silo bien moins fréquenté qu’elles ne le pensent…
Dans le même temps le terrain virtuel de Twitter est occupé par la communication institutionnelle des collectivités locales et les rageux les plus actifs, alimentant les chambres d’echo de leurs sympathisants respectifs.
Facebook en 2022, pour celles et ceux qui n’ont pas encore compris le principe.
En BD (en anglais): Reaching people on the internet in 2022 – The Oatmeal
https://theoatmeal.com/comics/reaching_people_2021