Étienne est Conseiller Numérique.
Il exerce depuis 2022 dans l’espace public numérique (cybercentre) d’une maison France Services. Dans une commune d’un peu moins de 2000 habitants, d’un territoire plutôt rural situé dans le département de la Loire.
Il partage ici avec nous certains aspects de son métier.
Bienvenue sur mon journal, enfin plutôt dans mon intimité de CNFS (Conseiller Numérique France Services) .
Avec ses hauts et ses bas mais toujours dans la joie
Que cela faisait longtemps ! Vous me manquiez presque chers confrères et consœurs de la médiation numérique ! L’envie de vous écrire ne s’était pas volatilisée, au contraire, mais n’ayant pas eu le temps, à cause d’un début d’année 2024 très chargé et marqué par de nombreux projets (dont celui avec les EHPAD du territoire), mais aussi par la formation pour le titre de REMN, dont j’ai eu l’immense chance de pouvoir discuter avec Yann et Vincent dans l’émission IMPACTS d’avril 2024. J’ai donc dû mettre de côté ce journal pendant un petit moment. Mais me revoilà !
Sans plus attendre, passons au cœur du sujet !
Tout commence par un appel du service comptabilité…
Pour moi, notre mission en tant que médiateur numérique est d’accompagner les usagers du territoire, aussi bien les particuliers que les professionnels. Si cibler les particuliers s’avère plus simple, c’est une toute autre affaire pour les professionnels (et professionnelles), et pourtant, nul doute qu’ils auraient besoin, eux aussi que l’on soit disponibles au bon moment pour les accompagner dans bon nombre de démarches.
Alors oui, il y a le traditionnel accompagnement à l’utilisation des réseaux sociaux, car à l’heure actuelle, la communication, c’est fondamental. Mais au-delà de cet atelier, que pouvons-nous proposer d’autres ?
C’est à cette question que nous allons tenter de répondre !
Pour commencer, et comme je l’avais déjà évoqué dans un autre article, il est important d’anticiper les besoins futurs des publics que nous accompagnions afin de proposer quelque chose de cohérent. C’est de ce point de départ que je suis parti pour proposer la thématique suivante, bien que celle-ci me soit tombée dessus.
Tout commence par un appel du service comptabilité. Il est aux alentours de 14h, aux environs du mois de février 2024 (oui, ça remonte un peu !), lorsque je reçois une demande un peu particulière :
« Etienne, as-tu déjà entendu parler de Chorus Pro? »
Comme toute personne parfaitement informée… bien sûr que non, je n’étais pas au courant de la dématérialisation des factures via Chorus. J’ai naturellement répondu : « Euh… non, mais dit moi tout ? »
- « Et bien Chorus Pro, c’est une plateforme sur laquelle l’ensemble des entreprises qui travaillent avec nous (les collectivités territoriales) devront déposer les factures qu’ils ont à nous remettre. C’est pas encore obligatoire, mais on arrive à la date d’échéance (1er juillet 2024 à l’époque) et ça serait bien que tu accompagnes les entreprises dans cette démarche. »
Oui, oui ! On parle bien de dématérialisation. Une de plus, mais bon, faites pas les choquer ! Vous commencez à avoir l’habitude.
Afin de mieux comprendre de quoi il s’agit, voici en quelques lignes, la description disponible sur la plateforme :
« Chorus Pro est une plateforme ayant pour but de simplifier la vie des entreprises et de réduire les délais de paiement, les administrations publiques se sont dotées de la plateforme pour la réception des factures de leurs fournisseurs.«
Ma première réaction aura été de me dire qu’il fallait vite que je mette en place un accompagnement sur ce sujet, car, une fois de plus: si l’on attend la date d’échéance, on se retrouve en situation d’urgence.
Un « petit changement », comme diraient certains, peut engendrer de grandes conséquences !
Avec le recul, si j’essaye de traduire, ça donne un truc comme ça : « Chorus Pro est une plateforme absolument pas intuitive, qui comme tout changement va bouleverser le quotidien des entreprises, mais va réduire les délais de paiement à condition qu’ils n’utilisent pas le support papier pour la génération de leurs factures, mais aussi qu’ils soient équipés et formés pour l’utiliser, les administrations publiques se sont dotées de la plateforme pour la réception des factures de leurs fournisseurs. »
Enfin bref, ce n’est que mon modeste avis de médiateur numérique. De toute manière, notre rôle n’est pas de discuter de la pertinence de l’outil… Après tout, peut-être qu’un comptable ou un conseiller financier aura un avis bien différent sur la question. En tout cas, sur l’aspect pratique, c’est le constat que je peux faire pour les artisans de mon territoire.
Enfin bref (oui, encore), notre rôle à nous, les médiateurs numériques est d’accompagner les usagers dans leurs usages numériques, peu importe la complexité de celle-ci.
Pour mettre en place des interventions sur cette thématique…
j’ai suivi une démarche, qui selon moi est indispensable et que je vous conseille absolument !
TESTEZ LA PLATEFORME ! Oui, ça paraît bête, mais je ne vous en supplie, faites-le !
Premièrement, pour la qualité de votre accompagnement. Car la démarche, lorsqu’on l’a fait pour la première fois, ce n’est pas du tout intuitif et cet exercice ne peut pas s’improviser. Et secondement pour pouvoir réaliser des fiches d’accompagnement (tutoriels).
J’ai aucune honte à le dire, ma maman ayant une entreprise, elle a dû, elle aussi, plus ou moins au même moment, déposer une facture pour le compte d’une collectivité. Et elle m’a donc sollicité pour l’aider. Sans vous mentir, j’ai bien mis 15 minutes pour créer le compte, 20 pour déposer la facture et au moment ultime de valider le dépôt, je me suis rendu compte qu’elle n’avait pas reçu les informations nécessaires (ID du service de la collectivité). Rebelote. Retour à la Case départ !
C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de la complexité de la démarche. Et que nous, médiateur numérique avons un rôle à jouer dans l’accompagnement à la prise en main de cet outil, car même un utilisateur intermédiaire et avancé rencontrera probablement des difficultés. Mais également, que ça peut-être une super thématique pour celles et ceux qui ont du mal à cibler les professionnels.
J’ai donc mis en place cet accompagnement au compte-gouttes, de manière individuelle.
Pourquoi ne pas proposer un atelier collectif ? Parce que tous les professionnels ne partent pas du même niveau, ça paraît logique encore une fois, mais pour certains, cette démarche va marquer leur inclusion dans l’univers numérique, et pour beaucoup contre leur gré. Cette démarche va être le symbole de leur premier contact avec cet univers, et cela risque de les fâcher avec le numérique, car ce premier lien est surtout pour eux une contrainte.
Pour beaucoup d’artisans sur le territoire, le lien avec le numérique n’est pas existant, et avant même que celui-ci soit créé, il risque déjà d’être « fracturé », si je puis dire, pour faire référence à un phénomène qui est au centre de notre métier, mais qui selon moi ne reflète pas tous les cas, comme celui-ci en particulier.
Si je peux me permettre de m’étaler un peu sur ce sujet, avant de revenir au cœur de la thématique de cet article…
De manière générale, pour une partie de la population, le lien avec le numérique n’a jamais existé. Il n’a donc jamais pu être cassé. Pour ces individus, le numérique n’a jamais fait partie de leur quotidien et ce, pour diverses raisons.
Par conséquent, parler de « fracture numérique » pour décrire leur situation est inexact, car il ne s’agit pas d’une rupture avec un état antérieur, mais plutôt d’une absence de connexion initiale.
En réalité, ce n’est pas une cassure qui les éloigne du numérique, mais plutôt le rythme effréné de la dématérialisation des services et des interactions sociales qui les oblige désormais à créer, souvent malgré eux, un lien avec le numérique. Ce phénomène ne relève pas d’une fracture à réparer, mais d’un besoin de bâtir une relation avec l’univers numérique, un processus d’adaptation qui doit être soutenu et accompagné. Et c’est précisément dans ce cadre-là que l’on parle alors de la phase d’inclusion numérique des individus, qui laissera place, par la suite à la phase de médiation et d’incubation.
Dans ce cas de figure, notre rôle est aussi de leurs montrer que le numérique n’est pas qu’une contrainte, mais que ça peut être un outil, un moyen de s’informer, un moyen de divertissement, de plaisir, etc…
Toutefois, gardez à l’esprit que si les démarches dématérialisées forcent les individus à « s’inclure numériquement parlant », nous, nous ne devons pas les forcer et en rajouter une couche.
Pour certaines personnes, savoir faire la démarche leur suffit, et vous aurez beau montrer toutes les possibilités et bonnes facettes que le numérique peut avoir, cela ne les intéressera pas. Et ce n’est pas de votre faute, du moment que vous répondu au besoin de votre usager, que vous avez, pour « le bien de son inclusion », montré que le numérique ce n’est pas qu’une contrainte, vous avez rempli vos missions.
Pour en revenir à mon sujet… cela me semblait compliqué, donc, pour le bon déroulé d’un atelier collectif, d’avoir des participants avec un écart de « niveau » considérable. De plus, c’est un public qui, de par ses métiers, est beaucoup moins disponible. Donc convenir d’une date qui pourrait correspondre au plus grand nombre s’avérait compliqué d’avance.
Je travaille donc depuis en collaboration avec le service comptabilité de la Communauté de Communes, notre employeur commun.
Celui-ci redirige les entreprises et les artisans rencontrant des difficultés avec la démarche vers le CyberCentre.
Je précise par ailleurs, que notre collaboration n’a pour but de soulager les collègues dans leurs missions de comptable, ce n’est pas mon rôle, ni mon métier. Cette collaboration a pour but d’accompagner un public qui a besoin d’aide pour réaliser une démarche numérique.
Cette collaboration se matérialise aussi bien par
- la création et la mise à disposition, auprès du service comptabilité de ressources (tutoriels), qu’ils peuvent ensuite remettre aux usagers avec un niveau intermédiaire qui découvrent la démarche et qui auraient besoin d’être guidé,
- et d’autre part, cela peut conduire à une prise de rendez-vous avec les usagers ayant réellement besoin d’une montée en compétences numérique, suffisante pour devenir autonome sur cette démarche, mais pas que.
D’autres part, dès que j’ai l’occasion de travailler avec un professionnel sur une autre thématique que celle-ci, je prends soin de lui préciser que c’est possible de l’accompagner sur cette démarche, si il ou elle en a le besoin.
Au total, j’ai pu réaliser jusqu’à maintenant une cinquantaine d’accompagnements sur cette thématique.
Sachez qu’entre temps, l’obligation de déposer ses factures sur Chorus Pro a été repoussée au 1er septembre 2026. Mais plus tôt vous aurez anticipé cette demande, mieux ce sera. Du moins penchez-vous dessus, afin de pas être submergé·e lors de l’approche de cette date et de découvrir cette démarche complexe en même temps que votre usager.
De plus, je rajouterai qu’il est important de fixer avec « vos collaborateurs » un cadre dans ce genre d’accompagnement. Comme je le disais, nous ne sommes pas comptables. Et vous ne devez en aucun cas accepter de le « devenir ». Il est important de partir sur de bonnes bases dès le départ et de définir, par rapport à vos missions de médiateur numérique quel est votre champs d’accompagnement, et quels types de situations relèvent de vos missions.En tout cas, c’est un excellent sujet pour aborder ce public si compliqué à cibler au-delà des thématiques classiques.
Pour celles et ceux qui seraient réticents à l’idée d’accompagner des professionnels, gardez à l’esprit que la diversification de la typologie des usagers est la plus belle chose de notre métier. Cela vous permettra de diversifier davantage vos missions, de rencontrer différentes personnes, de différents milieux, et d’en apprendre plus. Comme je dis toujours : j’essaye de faire en sorte que mes usagers en apprennent autant de moi, que j’en apprends d’eux.
Pour ceux qui le souhaitent, je met a disposition le tutoriel que je remets aux usagers : télécharger au format PDF
Faites en bonne usage, et n’hésitez pas à perfectionner cette ressource.
À bientôt !
Amicalement vôtre,
Etienne.
Opération soutenue par l’Etat dans le cadre
du dispositif Conseiller numérique
www.conseiller-numerique.gouv.fr